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La Gazette du LABORATOIRE Brèves - Gazette du Laboratoire

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2020-09-04 
De nouvelles populations de trous noirs révélées par les ondes gravitationnelles

C’est la plus grosse prise à ce jour au tableau de chasse des détecteurs d’ondes gravitationnelles1 Ligo et Virgo : un trou noir ayant la masse de 142 soleils, issu de la fusion de deux trous noirs de 85 et 65 fois la masse du Soleil. Le trou noir final est le plus lourd jamais observé avec les ondes gravitationnelles et il pourrait donner des indications sur la formation des trous noirs supermassifs qui siègent au centre de certaines galaxies. La masse d’un des trous noirs ayant fusionné, celui de 85 fois la masse du Soleil, fournit des éléments qui pourraient améliorer notre compréhension des ultimes étapes de l’évolution des étoiles massives. La découverte, à laquelle ont contribué plusieurs équipes du CNRS au sein de la collaboration Virgo, est publiée le 2 septembre 2020 dans les revues Physical Review Letters et Astrophysical Journal Letters. A Lyon, cette découverte implique l’Institut de Physique des 2 Infinis (IP2I Lyon, CNRS / Université Claude Bernard Lyon 1).

Capter la naissance d’un trou noir issu de la fusion de deux autres, accompagnée de l’émission d’une énorme quantité d’énergie : ce nouvel épisode pourrait paraître banal tant ces détections se sont enchaînées depuis 2015, lorsque, pour la première fois, furent observées les ondes gravitationnelles issues d’un tel phénomène2. Pourtant, GW190521, le signal enregistré le 21 mai 2019 par les instruments Ligo et Virgo, sort du lot car il est non seulement le plus distant3 et donc le plus ancien (l’onde gravitationnelle a mis 7 milliards d’années à nous atteindre), mais le trou noir qui résulte de la fusion est aussi le plus lourd jamais observé jusqu’ici. Surtout, cette observation est la première preuve directe de l’existence de trous noirs dits « de masse intermédiaire » (entre 100 et 100 000 fois plus massifs que le Soleil). Ces derniers sont plus lourds que ceux issus de l’effondrement d’étoiles massives, mais beaucoup plus légers que les trous noirs supermassifs logés au centre de certaines galaxies. Jusqu’à présent, seules des preuves indirectes obtenues grâce aux observations électromagnétiques laissaient présager leur existence.

Les trous noirs de masse intermédiaire sont intéressants car ils pourraient être la clef d’une des énigmes de l’astrophysique et de la cosmologie : l'origine des trous noirs supermassifs. Si la question est encore largement ouverte, l’un des scénarios proposés pour expliquer la naissance de ces monstres cosmiques est justement la fusion à répétition de trous noirs de masse intermédiaire.

Les trous noirs dont on a observé la fusion, avec leur masse d’environ 65 et 85 fois celle du Soleil, intriguent aussi les astrophysiciens. En effet, d’après les connaissances actuelles, l’effondrement gravitationnel d’une étoile ne peut pas former de trous noirs entre environ 60 et 120 masses solaires car les étoiles les plus massives sont complètement soufflées par l’explosion en supernova qui accompagne cet effondrement, ne laissant derrière elles que gaz et poussière. Comment le trou noir de 85 fois la masse du Soleil, qui siège dans cette région interdite, s’est-il donc formé ? Y a-t-il quelque chose de mal compris dans la fin de vie des étoiles massives ? S’il n’a pas une origine stellaire, pourrait-il lui-même résulter d’une fusion antérieure de trous noirs moins massifs ? Est-il au contraire un hypothétique trou noir primordial, formé lors du Big Bang ? Il est clair que l’observation de GW190521 pose de nouvelles questions sur la formation des astres énigmatiques que sont les trous noirs.
Par rapport aux détections précédentes, le signal GW190521 observé par Ligo et Virgo est très court et plus difficile à analyser. À cause de sa nature plus complexe, d'autres sources plus exotiques ont été envisagées pour l’expliquer, et ces possibilités sont décrites dans l’article publié par Astrophysical Journal Letters. Toutefois, la source la plus plausible de cette onde gravitationnelle reste la fusion de deux trous noirs.

À propos des collaborations Virgo et Ligo

La collaboration Virgo est actuellement composée d'environ 580 scientifiques dans 13 pays européens. L'Observatoire gravitationnel européen (EGO) héberge le détecteur Virgo près de Pise en Italie, et est financé par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en France, l'Istituto Nazionale di Fisica Nucleare (INFN) en Italie et Nikhef aux Pays-Bas. Une liste des équipes impliquées dans la collaboration Virgo est disponible sur http://public.virgo-gw.eu/the-virgo-collaboration

Ligo est financé par la National Science Foundation (NSF) et géré par Caltech et le MIT, qui ont conçu Ligo et dirigé le projet. Le financement du projet Advanced Ligo est assuré par la NSF, avec des contributions importantes de l'Allemagne (Max Planck Gesellschaft), du Royaume-Uni (Science and Technology Facilities Council) et de l'Australie (Australian Research Council - OzGrav). Environ 1 300 scientifiques du monde entier sont regroupés au sein de la collaboration scientifique Ligo, qui comprend la collaboration GEO. Les autres partenaires sont recensés sur https://my.ligo.org/census.php

Les publications scientifiques annonçant cette observation sont cosignées par 99 scientifiques de huit équipes françaises faisant partie de la collaboration Virgo :
-    le laboratoire Astroparticule et cosmologie (CNRS/Université de Paris) ;
-    le laboratoire Astrophysique relativiste, théories, expériences, métrologie, instrumentation, signaux (CNRS/Observatoire de la Côte d’Azur/Université Côte d’Azur) ;
-    l’Institut de physique des 2 infinis de Lyon (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1) ;
-    l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (CNRS/Université de Strasbourg) ;
-    l’Institut lumière matière (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1) ;
-    le Laboratoire d'Annecy de physique des particules (CNRS/Université Savoie Mont Blanc) ;
-    le Laboratoire Kastler Brossel (CNRS/Sorbonne Université/ENS-PSL/Collège de France) ;
-    le Laboratoire de physique des 2 infinis - Irène Joliot-Curie (CNRS/Université Paris-Saclay).

Des scientifiques co-signataires des publications sont associés aux équipes ci-dessus et font partie des laboratoires suivants : Institut Foton (CNRS/Université Rennes 1/Insa Rennes), laboratoire Lagrange (CNRS/Université Côte d’Azur/Observatoire Côte d’Azur), Laboratoire de physique et d'étude des matériaux (CNRS/Sorbonne Université/ESPCI Paris).
Notes
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1 Les ondes gravitationnelles sont des ondulations de l’espace-temps, prédites par Albert Einstein dans sa théorie de la relativité générale en 1915 et détectées pour la première fois un siècle plus tard.
2 Les ondes gravitationnelles détectées 100 ans après la prédiction d'Einstein (communiqué de presse, 11 février 2016) ; On a détecté des ondes gravitationnelles (CNRS le journal, 11 février 2016)
3 Situé aujourd’hui à 17 milliards d’années-lumière de la Terre du fait de l’expansion de l’Univers.

 
 

Bibliographie
________________________________________
 GW190521: A Binary Black Hole Merger with a Total Mass of 150Mʘ, The LIGO Scientific Collaboration and the Virgo Collaboration, Physical Review Letters, 2 septembre 2020.
Properties and astrophysical implications of the 150Mʘ binary black hole merger GW190521, The LIGO Scientific Collaboration and the Virgo Collaboration, Astrophysical Journal Letters, 2 septembre 2020. DOI : 10.3847/2041-8213/aba493
La collaboration Ligo-Virgo promeut la science ouverte et rend accessible les données associées à cette observation sur le site http://www.gw-openscience.org

 

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September 04, 2020 at 02:34PM
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